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Commission GC Législative 3.02.2012 : IN 147 et 148 de l'Asloca

Commission Législative du Grand Conseil

Vendredi 3 févrer 2012, 17h05

Salle de l'auditeur, 2 rue de l'Hotel-de-Ville

IN 147-A au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'Initiative populaire IN 147 " Stop au retour des congés-ventes. Halte à la spéculation ! (Renforcement de la LDTR) "

IN 148-A au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'Initiative populaire IN 148 " Bureaux et logements de luxe, ça suffit! Construisons des logements locatifs et bon marché "

* * *

Introduction

Le RPSL tient préalablement à communiquer à la Commission son étonnement et ses remerciements.

Son étonnement d'être convoqué pour évoquer des questions de recevabilité : en effet, pour notre part, nous restons persuadé que l’État dispose de tous les juristes nécessaires pour procéder à l'analyse juridique de la recevabilité d'initiatives. A cet égard, l'audition du RPSL est étonnant, si ce n'est pour alimenter l'adage « 2 juristes, 3 avis ».

Néanmoins, le RPSL tient a remercier la Commission de son invitation, dans la mesure où le Conseil d’État s'arroge le droit de profiter de la procédure relative à la recevabilité pour parler pendant les 3 quarts de son rapport du fond de ces textes, ainsi, les associations de défense des locataires peuvent faire de même, ce qui rétablit un peu l'équilibre.

Les initiatives

Après avoir été lancées début 2011, les 2 initiatives qui nous occupent on largement abouti à mi-année, preuve en est, si cela était nécessaire, de la cruelle préoccupation que représente le logement pour les Genevois, et pour cause !

A cet égard, il convient de préciser préalablement que ces deux initiatives sont des initiatives législativeset non des initiatives constitutionnelles. Cela doit évidemment nous conduire à analyser différemment les questions de recevabilité.

L’IN 147 « Stop au retour des congés-ventes. Halte à la spéculation ! »

L’IN 147 « Stop au retour des congés-ventes. Halte à la spéculation ! » traite essentiellement de la LDTR et propose des amendements à ce texte.

Au niveau de l'unité de la matière, dans la mesure où sur les mesures proposées trouvent quasiment toutes une existence dans la LDTR, avec un renforcement de mesures déjà existantes, il nous semblerait alors excessif de considérer que l'unité de la matière ne soit pas respectée.

Le principe sous-jacent est que l'unité de la matière est « [une] exigence [qui] interdit de mêler, dans un même objet soumis au peuple, plusieurs propositions de nature ou de but différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation ou à une opposition globale, alors qu’il pourrait n’être d’accord qu’avec une partie des propositions qui lui sont soumises » (rapport CE p.3). Pourtant, le Conseil d'État et votre Conseil n'ont absolument pas trouvé choquant de proposer au peuple une très longue Loi sur l'Énergie comprenant des modifications à la LDTR et touchant aux loyers dans une seule votation. Par conséquent, la cohérence exige de considérer que l'unité de la matière est ici réalisée, faute d'admettre que ce principe aurait été violé pour le vote sur la Loi sur l'Énergie.

C'est d'ailleurs ce que le Conseil d'État admet implicitement quelques lignes plus loin en disant « Les modifications de la loi sur l’énergie et de la loi sur les constructions et installations diverses, figurant à l’article 2, sont en effet mineures par rapport à l’article 1, modifiant la LDTR »(rapport CE p. 9) et en se référant justement à ce qui a été fait concernant la Loi sur l'Énergie.

Au niveau de l'unité de la forme et l'unité du genre, le Conseil d'État admet qu'elles sont respectées, nous n'allons donc pas nous étendre.

Au niveau de la question de la clarté, le Conseil d'État fait preuve d'une mauvaise foi crasse en considérant que ce que les initiants ont voulu dire concernant les article 6 et 9 n'est pas clair. Les modifications à ces articles sont très simples, et si on peut admettre que les initiants n'ont pas choisi le moyen le plus simple de l'exprimer, le Conseil d'État a également choisi de ne pas comprendre le débat politique déjà ancien sous-jacent. Les modifications aux articles 6 et 9 visent deux choses :

  • dire ce qu'est un logement, qui de part sa surface, est un logement de luxe

  • supprimer les augmentations iniques ne loyers introduites par la loi sur l’Énergie.

Concernant la recevabilité matérielle et la question de la conformité au droit supérieur, le Conseil d'Etat considère que quelques normes prévues par les initiants posent problème :

  • Il s'agit des restrictions aux démolitions en exigeant le doublement obligatoire de la surface de plancher en cas de démolition-reconstruction :

Sur ce point, à notre sens, le Conseil d'État perd de vue le fait qu'il s'agit de limiter une seule des possibilités qui s'offrent à un propriétaire de rénover son bâtiment, soit la voie de la démolition qui est indubitablement la plus onéreuse et la plus intrusive sur l'offre d'appartements dans le canton. Il est donc proportionné de n'autoriser ces opération seulement dans les cas où l'offre de logements ainsi créée est substantiellement augmentée. Par ailleurs le Conseil d'État dit que ce principe ne prévoit pas d'exception, alors que justement l'art. 6 al. 1 let. c in fine le prévoit pour certain bâtiments. Lorsqu'on sait en outre que le Conseiller d'État en charge n'hésite pas à introduire par voie réglementaire des dérogations générales à des principes d'une loi (dernier exemple en date, l'introduction de l'art. 2A RLGL), ce genre de remarque porte à sourire...

  • Cette dernière remarque est évidemment valable pour la critique portée à l'art. 44, al. 4 in fine. Mais même en considérant que le Conseil d'État ait des scrupules à introduire des nuances par voie de réglementaire, sa lecture de la sanction proposée est surprenante : il ne voit pas l'utilité du lien entre le loyer indument perçu et l'amende ! Pourtant, il nous semble que de fixer une amende proportionnellement à l'enrichissement indu est un principe bien admis en droit administratif.

  • les limitations aux autorisations de vendre les appartements :

Mise à part le fait que dans les paragraphes traitant de cette question, l'initiative change subitement de numéro officiel, on assiste à une spéculation rhétorique sur ce que le Tribunal fédéral accepterait ou pas comme limitation au droit de la propriété avec des bémols intéressants comme « problématique », ou encore « moins compatible », pour arriver miraculeusement à une conclusion pourtant sans appel : « contraire au droit fédéral ». Par contre, le principe « in dubio pro populo », lui, semble avoir été sacrifié à l'autel de l'appréciation politique.

Ou alors, sauvé in extremis par les 3 « probablement » de la « Conclusion intermédiaire » p. 29.

Le Conseil d'État admettant l'exécutabilitéde l'initiative, cette question peut être passée.

Quant aux conséquences du point de vue du Conseil d'État sur les griefs fait au texte de l'initiative, elles sont tout aussi discutables que l'argumentation elle-même : subjective et partiale, ce d'autant que si ce Conseil voulait entrer en matière sur les propositions formulées, ne serait-ce que par respect pour les 14'000 signataires et les 20'000 membres de l'ASLOCA, il aurait tout le loisir de le faire puisqu'il s'agit d'une initiative législative.

Concernant l'entier de cette question, il s'agit de ne pas se voiler la face : lorsqu'on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage et c'est systématiquement ce qu'a appliqué ce Grand Conseil s'agissant de toutes les initiatives de l'ASLOCA déposées depuis 10 ans ou presque.

A lors, en fait de toute manière, cet exercice semble bien futile : Mesdames et Messieurs les Députés de la majorité : invalidez tout, le TF reconnaîtra les siens...

N 148 " Bureaux et logements de luxe, ça suffit! Construisons des logements locatifs et bon marché "

Concernant l'IN 148, on peut répéter l'exercice, tout en ayant des doutes sur son utilité, je vais donc me contenter de soulever quelques points criant du rapport du Conseil d’État.

Comme l'admetle Conseil d'État, « toutes les mesures proposées [par cette initiative] ont certes pour but de favoriser de nouveaux logements, en donnant la priorité aux logements locatifs »(rapport p. 7). Ce qui est plus inquiétant c'est quand le Conseil d'État admet ne pas saisir les liens existants entre les mesures proposées par l'initiative... Certes la question du logement est un domaine complexe, mais il nous semblait tout de même que l'État comptait quelques spécialistes du domaine...

Ces questions sont évidemment liées car pour construire bon marché, il faut des terrains et il faut lutter donc la spéculation foncière et immobilière. Et je suis persuadée que personne ici n'oserait affirmer qu'il n'y a pas de spéculation foncière et immobilière sur notre Canton. Par conséquent, il évident que ces mesures ont un lien et que ces propositions respectent l'unité de la matière. Si l'on devrait porter grief à l'initiative, à mon sens, c'est son titre qui serait critiquable : « Halte à la spéculation » présent dans le titre de l'IN 147, lui siérait mieux encore.

Au niveau de l'unité de la forme et l'unité du genre, le Conseil d'État admet qu'elles sont respectées.

Encore une foi, au niveau de la question de la clarté, le Conseil d'État fait preuve d'une mauvaise foi crasse en considérant qu'il y a une contradiction dans l'art.9B : la formulation n'est très heureuse, mais le but est limpide : interdire l'aliénation d'appartement en période de pénurie sauf exception et pour le surplus, l'art. 37 LDTR est applicable.

Concernant la critique formulée à l'art. 9D elle est encore plus risible : cet article ne dit qu'une chose, c'est que lorsqu'on déclasse de la zone agricole, celle-ci doit être affectée à l’habitat (ce que prévoit déjà le Protocole d'Accord) mais précise qu'il doit s'agir de logement locatif (c'est c'est la seule spécificité de l'alinéa visé).

Quant au grief porté par le Conseil d’État à l'art. 9E alinéa 1 là je dois avouer que c'est moi qui ne comprend pas ce que l'auteur du rapport ne comprend pas... Je renonce.

Concernant la recevabilité matérielle et la question de la conformité au droit supérieur, le Conseil d’État considère les normes prévues aux art. 9A et suivants seraient contraire au droit fédéral. A mon sens le Conseil d’État confond deux problématiques : la conformité au droit fédéral et la logique légistique : ces normes devraient être proposées dans la LaLAT, cela doit être admis, mais le fait que les initiants aient choisi une voie différente ne veut pas encore dire que celle-ci soit contraire au droit fédéral. Cependant, l'argumentation se borne à dire que le fait de n'avoir pas proposé de modification de la LaLAT est faux sans expliquer en quoi ceci serait contraire au droit fédéral.

Il serait aussi invoqué que le droit foncier rural serait heurté par les propositions des initiants. Sans prétendre être une spécialiste du droit foncier rural, je peine à comprendre pourquoi l'art. 65 LDFR ne pourrait pas permettre à l'état d'acquérir ces terrains pour réaliser la tâche publique qu'est la construction de logements locatifs bon marchés. Par ailleurs, le Conseil d’État dit que la limite de prix alors ne s'applique pas sans aucunement indiquer la source de cette affirmation (base légale, jurisprudence ?). Le rapport en conclut qu'il est « douteux » que l'IN 148 soit valable par rapport à la LDFR sur une argumentation tout aussi « douteuse ».

Quant à l'argumentation sur la compatibilité de l'initiative avec le droit de propriété, l'argumentation du Conseil d’État est tout aussi emprunte d'idéologie que celle des initiants. Pour ma part, il ne sied guère à un débat sur la recevabilité de s'envoyer à la tête nos visions des atteintes admissibles, ou pas, au droit de la propriété afin de réaliser une vraie politique sociale du logement.

Finalement, une fois encore, invalidez tout, le TF reconnaîtra les siens...

Prise en considération

Cependant, étant auditionnée sur les rapports du Conseil d'État, souffrez que je me prononce sur la partie « prise en considération »: en tant que signataire du Protocole d'Accord sur le logement, je suis dans l'obligation de réagir sur certains propos tenus dans cette partie des rapports du Conseil d'État :

  • Les chiffres :

La pénurie est toujours aussi dramatique : En 2003 le taux de vacance s'élevait à 0,17%, en 2004 à 0,15%, en 2005 à 0,19%, à 0,14% en 2006, en 2007 à 0,19%, en 2008 à 0,20%, en 2009 à 0,21% et en 2010 à 0,23%.

La proportion de logements subventionnés continue à baisser, donc les logements libres continuent d'augmenter plus vite que les logements subventionnés.

Les loyers continuent à augmenter :

  • Le nombre de LUP à 5 ans de la signature du Protocole d'Accord : les chiffres indiqués dans le rapport du Conseil d’État à la page 36 du rapport sur l'IN 148 sont faux, biaisés et fort peu honnêtes :

  • 1890 logements existants ont été acquis pour les intégrer au parc de logements d'utilité publique -> certes, mais ça n'en fait pas encore des LUP puisqu'ils sont à ce jour non soumis à un taux d'occupation et à un taux d'effort.

  • 532 nouveaux logements d'utilité publique ont été construits et mis en location -> oui et il s'agit des seules vraies créations de LUP depuis la signature du protocole d'accord.

  • 80 logements ont été volontairement intégrés par leurs propriétaires dans le parc de logements d'utilité publique -> oui, mais il ne s'agit pas de nouveaux logements.

  • les 5476 logements propriétés des FIDP ont été intégrés au parc LUP dès l'entrée en vigueur de la loi -> oui, mais ne s'agit pas de nouveaux logements (sauf 350 nouveaux HBM)

  • Fin 2010, le socle de logements d'utilité publique contenait 7908 logements et atteignait le seuil de 5 % du parc locatif ->Non, fin 2010 le canton comptait 6'421 LUP parmi les logements subventionnés (Source OCSTAT: http://www.ge.ch/statistique/domaines/09/09_02/tableaux.asp#3) auxquels il faut ajouter les 80 logements volontairement intégrés (6'501) sur 219'231 logements soit une proportion de 2,96% !

  • les séances du GSLUP : lorsque le RPSL ne les appelle pas à corps et à cri, ces séances sont annulée une fois sur deux « faute d'ordre du jour » !

  • l'incurie démontrée du DCTI a appliquer la LDTR, faute de moyen en ressources humaines, ce département ayant le plus grand turn over de l'État ceci explique probablement cela...

  • L'information fournie aux locataires est clairement insuffisante en cas de rénovation, preuve en est les cas d'arnaque que les tribunaux voient passer régulièrement. Sachant qu'ils ne sont que la pointe de l'iceberg (ratio 1/10), il est évident que l'information est insuffisante.

  • Lorsque le Conseiller d'État en charge se permet d'indiquer dans un rapport : « la fixation d’un plafond maximum pour le montant des loyers des appartements créés dans les combles ou suite à une surélévation est également inopportune, dans la mesure où elle pourrait avoir pour effet d’empêcher purement et simplement la création de nouveaux logements, faute d’un rendement suffisant de l’opération » alors qu'il habite un logement de ce type en loyer LDTR, on frise l'étouffement !

En vous remerciant, Mesdames et Messieurs les Députés pour votre attention.




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