PL 13 030 sur l'évaluation fiscale des immeubles (LEFI) (D 3 10)
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Remarques contextuelles à propos de l’évaluation fiscale des immeubles
Le présent projet de loi (PL 13030) concerne l’évaluation fiscale des immeubles non-locatifs (art. 50, lettre b à e, LIPP[1]). La question de l’évaluation fiscale des bâtiments non-locatifs est un débat durant depuis plusieurs années, et vous êtes bien placés pour le savoir. Les PPE et les villas figurent, entre autres biens immobiliers, parmi les immeubles concernés par ce projet de loi modifiant la LEFI.
La question de l’évaluation fiscale des immeubles non-locatifs revient sur la table de façon récurrente depuis de nombreuses années. La raison en est que la législation genevoise en la matière n’est pas en conformité avec le droit fédéral, plus précisément n’est pas en conformité avec la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID).
En effet, il faudrait que la réévaluation fiscale des biens immobiliers concernés par la refonte de la LEFI, soit opérée sur la base de leur valeur vénale afin que la situation genevoise se trouve être en conformité avec la législation fédérale. Actuellement, la valeur fiscale des villas, PPE et autres terrains nus est, pour faire simple, basée sur la valeur d’achat du bien immobilier, valeur à laquelle sont venues s’ajouter quelques pourcentages au gré des différentes réformes de la LEFI.
Cette situation de non-conformité dure depuis trop longtemps, et il en résulte que les propriétaires d’immeubles et de biens immobiliers non-locatifs jouissent depuis longtemps d’une situation avantageuse par rapport au restant de la population. Il existe notamment une importante inégalité de traitement entre anciens et nouveaux propriétaires.
Le système genevois d’évaluation fiscale des immeubles date de 1964, il a été prorogé plusieurs fois, avec des majorations de la valeur fiscale à l’occasion des prorogations. La dernière majoration en date a eu lieu à l’occasion de la prorogation de 2018 de la LEFI. Cette majoration s’élève à hauteur de 7%[2].
À propos de cette dernière, il convient de rappeler que la chambre constitutionnelle de la Cour de justice a « constaté que la majoration de 7% fixée à l’article 2 LEFI consacrait une violation du principe de l’égalité de traitement et de l’imposition selon la capacité contributive »[3]. La Chambre constitutionnelle avait alors invité le Grand Conseil à « modifier cette disposition le plus rapidement possible.»[4]
Positionnement principiel du RPSL à propos de l’évaluation fiscale des immeubles
Le Conseil d’État était revenu avec un double projet de loi, le PL 12773 et le PL 12774, projets de loi déposés le 9 septembre 2020. Ce double projet de loi prévoyait de « modifier le système d’évaluation actuel pour une mise en conformité avec la LHID afin que les évaluations correspondent à la valeur vénale ».
Lors de cette audition, le RPSL avait salué la volonté du Conseil d’État de mettre en conformité la législation genevoise avec le droit fédéral. Et ce pour plusieurs raisons qu’il est l’occasion de rappeler aujourd’hui.
Premièrement, le RPSL considère que les propriétaires de biens immobiliers sont en majorité des contribuables aisés à qui il est légitime de demander une solidarité fiscale.
Deuxièmement, cette non-conformité de la législation genevoise est en réalité la correction d’une situation qui perdurait depuis trop longtemps et qui si elle a profité à de nombreux propriétaires, sous forme de cadeau fiscal, a privé l’état de ressources fiscales importantes.
Troisièmement, le RPSL aimerait rappeler que la mise en conformité de la législation genevoise ne consiste nullement en une augmentation d’impôts pour les personnes concernées, mais consiste plutôt à ramener à la légalité une situation d’inégalité qui perdurait depuis trop longtemps. Dans cette optique, il ne saurait être question de mettre dans la balance un autre cadeau fiscal à destination des personnes concernées par cette loi. Par exemple, dans les projets de loi 12773 &12774, une diminution de l’impôt sur la fortune des personnes physiques faisait figure de contrepartie à la mise en conformité de la législation genevoise avec le droit fédéral.
Ces remarques contextuelles et principielles étant effectuées, il convient désormais de nous attacher au commentaire de la proposition de refonte de la LEFI dont il est question aujourd’hui, à savoir le PL 13030.
Commentaire du PL 13 030 – sur les estimations fiscales de certains immeubles (LEFI) (D 3 10)
Chapitre I
Art. 1 – Principe
L’article 1 propose une prolongation « pour une durée indéterminée » de la pratique actuelle. Pour les raisons déjà évoquées, le RPSL s’y oppose.
Art. 2 – Majoration
al. 1
Afin de compenser le cadeau effectué aux propriétaires des immeubles concernés par le PL 13 030 en ne les soumettant pas à une imposition sur la base de la valeur vénale du bien dont ils sont propriétaires, une augmentation de 5% est insuffisante.
al. 2
Indexer la valeur fiscale des immeubles à l’évolution de l’IPC est insuffisant, il s’agit également d’une compensation au cadeau effectué aux propriétaires des immeubles concernés par le PL 13 030 en prorogeant le système actuel. En outre, l’indexation à l’IPC peut également faire décroître la valeur fiscale d’un immeuble concerné par le PL 13030.
Art. 3 – Valeur fiscale actuelle
Cet article est dans l’esprit de la loi. Il est cohérent au regard de la volonté de proroger le système actuel. Néanmoins, comme le reste du PL 13 030, il ne permet pas de revenir à une situation acceptable et viable à long terme. Celle-ci n’étant pas en conformité avec la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID).
Art. 4 – Exceptions
À propos de l’art. 4, le RPSL n’a pas de commentaire particulier à effectuer si ce n’est que ces immeubles doivent aussi être réévalués le cas échéant, car en 10 ans la valeur de ces immeubles a pu considérablement s’éloigner de leur valeur vénale réelle.
Si indexation il devait y avoir, la valeur fiscale des immeubles concernés par le PL 13 030 devrait au minimum être indexée à un indice de type IMPI (L’indice suisse des prix de l’immobilier résidentiel).
Art. 5 – Réclamation et recours
Le RPSL n’a pas de commentaire particulier à apporter à propos de cet article.
Chapitre II Dispositions finales et transitoires
Art. 6
Le RPSL n’a pas de commentaire particulier à apporter à propos de cet article.
Art. 7
Le RPSL n’a pas de commentaire particulier à apporter à propos de cet article.
Art. 8
L’article 8 concerne les modifications d’autres lois.
À propos de la modification de la loi générale sur les contributions publiques (LCP) (D 3 05), du 9 novembre 1987, le RPSL effectue les commentaires suivants :
Art. 76, al. 5
Le RPSL est opposé à une réduction de l’impôt immobilier complémentaire lorsque l’immeuble est effectivement habité, ou du moins est affecté à la résidence principale de son propriétaire. La raison en est que le RPSL considère les propriétaires de biens immobiliers comme étant, en règle générale, des contribuables aisés auxquels il est légitime de demander une grande solidarité fiscale.
Art. 84, al. 1, lettre g (nouvelle teneur)
Reprenant le principe selon lequel le RPSL considère les propriétaires de biens immobiliers comme étant, en règle générale, des contribuables aisés, il semble légitime d’introduire un impôt sur les bénéfices et gains immobiliers pour les propriétaires se séparant de leur bien, même après 25 ans de propriété. En effet, un propriétaire faisant le choix de se séparer de son bien après 25 ans dispose probablement de ressources financières suffisantes pour verser un impôt sur les bénéfices et gains immobiliers.
Bien que rejetant l’esprit général du PL 13030, le RPSL n’est pas opposé à l’introduction d’un impôt sur les bénéfices et gains immobiliers pour les contribuables restés propriétaires de leur bien 25 ans au moins.
À propos de la modification de la loi sur l’imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08), du 27 septembre 2009, le RPSL effectue les commentaires suivants :
Art. 52, al. 2, 3, 4 et 6 (nouvelle teneur)
al. 2
Adapter en fonction de l’évolution de l’IPC la valeur fiscale des immeubles n’est pas satisfaisant selon le RPSL, surtout quand l’indexation est plafonnée. Adapter le système d’évaluation des immeubles de façon aussi « mécanique » que proposé, en le reliant à un autre indice qui plus est, n’est pas une solution adaptée à un marché aussi particulier que celui de l’immobilier. Le RPSL est favorable à ce qu’une commission d’experts établisse des critères valables pour une certaine période et sur la base desquels procéder à une évaluation fiscale des immeubles. Le RPSL est simplement favorable à ce que ces critères soient compatibles avec le droit fédéral, et surtout qu’aucun cadeau fiscal ne soit effectué à une catégorie de la population qui, en règle générale, est composée de contribuables aisés à qui il est légitime de demander une solidarité fiscale.
Une fois la valeur vénale déterminée, l’indexation des prix doit se faire à un indice suisse des prix correspondant à la catégorie des immeubles cités, et l’indexation doit être totale pour conserver une crédibilité.
al. 3, 4, et 6
Le RPSL n’a pas de commentaire particulier à effectuer à propos des alinéas susmentionnés.
Art. 52 A
Le RPSL n’a pas de commentaire particulier à effectuer à propos de la modification de l’article 52 A
Art. 59, al. 1, tableau (nouvelle teneur)
Au regard de ce qui précède (cf. notamment Positionnement principiel du RPSL à propos de l’évaluation fiscale des immeubles), le RPSL s’oppose à ce qu’une réduction de 15% de l’impôt sur la fortune, pour l’ensemble des contribuables, serve d’une quelconque monnaie d’échange à toute réforme de l’imposition immobilière du type de biens concernés par le PL 13030.
Art. 59, al. 2, tableau (nouvelle teneur)
Idem que pour l’art. 59, al. 1
[1]Extrait exposé motifs PL 12773 et 12774 : « Les immeubles évalués englobent tous les immeubles qui ne sont pas définis comme des immeubles locatifs. Il s’agit des immeubles suivants : – les immeubles servant exclusivement et directement à l'exploitation d'un commerce ou d'une industrie (art. 50, lettre b, LIPP) ; – les immeubles servant à l'exploitation agricole et sylvicole y compris la partie de logement nécessaire au propriétaire et à sa famille (art. 50, lettre c, LIPP) ; – les terrains improductifs ou à bâtir (art. 50, lettre d, LIPP) ; – les autres immeubles, notamment les villas, parcs, jardins d'agrément, ainsi que les immeubles en copropriété par étages (art. 50, lettre e, LIPP).
[2]Cf. art. 2 LEFI : La valeur fiscale actuelle de ces immeubles au 31 décembre 2018 est majorée de 7% et reconduite jusqu’au 31 décembre 2028, sans nouvelle estimation par la commission d’experts. [3] https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12773.pdf, p. 7
[4] idem
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