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  • Romain Gauthier

PL 13'025: NON au retour des congés-ventes

Dernière mise à jour : 10 nov. 2021

Projet de loi modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) (LDTR) (L 5 20)



Préambule

En matière de politique générale du logement, le Rassemblement pour une politique sociale du logement (Rassemblement ci-après) défend une politique allant dans le sens de l’intérêt général, c’est-à-dire du plus grand nombre. Ce positionnement du Rassemblement découle du souci de garantir le droit au logement de tou-tes les habitant-es du canton et d’assurer que l’offre de logements corresponde aux besoins prépondérants des habitant-es.


Alors que Genève compte 80% de locataires et que la pénurie de logements accessibles affecte la classe moyenne et les classes défavorisées, la défense de l’intérêt général passe par la défense des locataires, et plus particulièrement celles-ceux étant le plus affecté-es par cette crise du logement.


Afin d’aller dans ce sens, Genève dispose d’instruments juridiques (des lois). Parmi ceux-ci il convient d’en évoquer trois principaux :

  • La loi générale sur les zones de développement (LGZD, L 1 35) dont les modalités règlent l’aménagement et l’occupation de zones dites de développement, sur lesquelles il est plus aisé pour les maîtres d’ouvrage d’utilité publique de construire des logements sociaux.

  • Différentes catégories de logement social, encadrées par la Loi générale sur le logement (LGL, I 4 05) et la Loi pour la construction de logements d’utilité publique (LUP, I 4 06), permettent aux personnes ne trouvant pas de solution adaptée à leurs besoins sur un marché privé du logement hautement spéculatif, tout en assurant une mixité sociale de par la diversité des catégories de logement propres au logement social (HBM, HLM, HM).

  • La Loi concernant la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation, ainsi que l'utilisation de logements à d'autres fins que l'habitation (LDTR, I 4 05) permet, en situation de pénurie, une meilleure régulation du marché locatif afin de garantir des loyers abordables et protège les locataires des abus intervenant sur le marché locatif et découlant de pratiques spéculatives.

De par les objectifs qu’il poursuit, le Rassemblement est attaché à ces outils juridiques qui constituent les fondements d’une politique publique du logement permettant de répondre aux besoins prépondérants de la population et favorable aux intérêts des locataires, surtout dans un contexte de crise du logement.


Le PL 13’025, une version 3.0 des congés-ventes

La modification légale dont il est question dans cette prise de position concerne l’art. 39 LDTR. Cette modification, justifiée selon les dépositaires du PL 13'025 par la volonté de « vouloir permettre à tous les locataires de devenir propriétaires »[1], vise à faciliter la vente d’appartements locatifs par leur propriétaire. Actuellement, au moins 60% des locataires restants doivent « accepter formellement »[2] toute acquisition d’un appartement dans leur immeuble. La modification proposée aujourd’hui vise à annuler cette obligation de consentement des locataires restants, afin de faciliter la mise sur le marché d’appartements locatifs. Ce n’est pas la première fois que cet article de la LDTR est sujet à discussions. Actuellement, deux autres projets similaires en tous points au PL 13’025 et concernant également l’art. 39 LDTR, dorment en commission du logement.


Au cours des vingt dernières années, la population genevoise a refusé par deux fois des projets de loi similaires en votation. La dernière fois c’était en 2015 et Ronald Zacharias, ancien député et lui-même promoteur immobilier, était à l’origine de ce projet de loi. [3] À chaque fois, le RPSL s’est positionné contre ces projets de loi. Pour revenir au PL 13'025, le RPSL s’oppose à cette modification légale pour plusieurs raisons.


Les conséquences sur le marché locatif privé ne seront pas nulles. En effet derrière cette modification légale, prétextée par la volonté de laisser la classe moyenne acquérir plus facilement un logement, se cache la volonté de faciliter la pratique des congés-ventes. Cette pratique est contraire aux intérêts des locataires, mais ne va également pas dans le sens d’une politique publique du logement en adéquation avec les besoins prépondérants de la population, surtout en période de crise.

  • L’une des conséquences d’une modification de la LDTR telle que proposée par les dépositaires du PL’13025 sera que les locataires aux revenus les plus modestes verront leur accès au marché locatif privé restreint en raison d’une diminution de l’offre sur ce marché. Des biens seront soustraits du marché locatif privé puisque mis en vente, augmentant la rareté de ce type de logements et donc, leur loyer. Les locataires, et plus particulièrement les locataires dont les revenus sont les plus modestes, subiront à n’en pas douter les conséquences négatives d’une telle élévation des loyers.

  • Les appartements les plus anciens, et dont les loyers sont potentiellement les plus accessibles, seront les premiers concernés par cette modification légale. En effet il n’y a aucun intérêt financier pour le propriétaire d’un logement neuf, sur lequel les rendements possibles sont élevés, de vendre son appartement. En revanche, vendre un appartement ancien et potentiellement peu entretenu, est plus intéressant que de le louer pour son propriétaire. C’est donc la part de l’offre de logements locatifs privés la plus adaptée aux revenus les plus modestes qui sera prioritairement impactée par cette modification de la LDTR. Cette évolution va encourager la spéculation.

  • Autre conséquence, une présélection des locataires. En effet les propriétaires seront tentés de présélectionner pour une location les dossiers de locataires dont ils estiment « les reins suffisamment solides » pour acquérir leur logement à moyen terme.

  • En période de pénurie, la LDTR est une cautèle supplémentaire au droit du bail. Elle permet en effet une meilleure protection des locataires, notamment de la pratique des congés-ventes. Le droit du bail interdit à un bailleur d’obliger son locataire à acheter son logement, en le menaçant d’un congé. Néanmoins, il est tout à fait possible pour un bailleur de résilier un bail, de le mettre en vente, pour le proposer ensuite au locataire dont le bail vient d’être résilié, ceci peu importe la situation financière du locataire.

  • Le PL 13’025 ne sert que les intérêts des bailleurs. Il s’agit d’un droit supplémentaire qui leur est accordé, et nullement aux locataires. Si contrairement aux tentatives précédentes de réintroduction de la pratique des congés-ventes, le PL 13'025 fixe un prix-plafond, il ne donne aucun droit supplémentaire aux locataires dans la mesure où celles-ceux-ci ne peuvent nullement s’opposer à la volonté d’un bailleur de vendre son bien, ou ne leur garantit pas de pouvoir rester dans l’appartement en cas de vente de l’appartement et ce, peu importe la volonté de l’acheteur.

  • Enfin, le PL 13'025 prévoit que le prix de vente au mètre carré des appartements concernés « ne doit pas excéder le prix moyen des opérations en PPE approuvées par le département en zone de développement durant les trois dernières années ». Soumises à un contrôle des prix et à une régulation étatique, les opérations ayant lieu en ZD sont en général exemptées de logiques spéculatrices. Ces opérations se font à des niveaux de prix moins élevé que celles ayant lieu sur le marché privé. Il est étonnant pour ne pas dire surprenant, que les partis qui sont habituellement opposés à la ZD, notamment parce que l’interventionnisme étatique y est plus présent que sur le marché locatif libre, souhaitent calquer le prix de vente d’appartements ne se trouvant pas en ZD sur le régime de celle-ci.

Ce Projet de loi aura comme conséquence de soustraire du marché locatif privé des appartements, avec pour conséquence d’accroitre la rareté de ce type de biens, très demandés par la classe moyenne et les classes populaires, classes prioritairement concernées par la crise du logement. Une telle visée ne sert pas l’intérêt général, fondement de toute politique publique du logement, surtout en période de crise. Le RPSL s’oppose à ce PL’13025, et envisage le référendum au cas où cette loi devait être validée par le Grand-Conseil.


[1] CF. exposé du motif du PL 13’025 (http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL13025.pdf) [2] idem




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